Un weekend contrasté dans la vallée de la Clarée
Entre l’automne et l’hiver, entre le blanc et l’orange, entre l’émerveillement et les imprévus… On peut dire que cette année-là, mon weekend dans la vallée de la Clarée fut intense.
Période
Novembre 2018
Coordonnées
44° 59’ 41”
6° 35’ 28”
2400 m
Durée
2 jours (1 nuit sur place)
Je me rendais dans cette vallée pour la quatrième ou cinquième fois : c’est peu dire que je l’adore ! Et particulièrement en automne, ma saison préférée là-bas, qui donne aux mélèzes un orange flamboyant. Cette année, je décide d’aller passer 2 jours sur place. Je suis un peu « en retard » : les premières neiges sont déjà tombées.
Nous sommes lundi. Je suis arrivé la veille et déjà la journée d’hier a été… intéressante. Elle a été ponctuée par la perte du bouchon de mon objectif en milieu de balade, qui m’a forcée à revenir sur mes pas, la fin sous la pluie, les chaînes de mes pneus qui ont sauté, m’obligeant à démonter une roue (enfin, ça c’était avant que je ne me rende compte que je n’avais pas de clé en croix… prêtée heureusement par un randonneur qui passait à ce moment), la police qui m’a viré de mon lieu de bivouac et, apothéose, la découverte que j’avais marché dans la mer**…
Heureusement, les paysages de la Clarée sont toujours aussi impressionnants. La neige contraste avec l’orange, encore présent sur les arbres, ou avec la noirceur de la roche. La cascade de Fontcouverte est à la fois élégante et puissante dans sa robe d’hiver.
Bref, vous aurez compris que la journée a été chargée… Donc aujourd’hui, lundi, je compte bien prendre ma revanche !
Cochon grillé et guide fantôme
Il pleuviotte quand je retourne dans la vallée. Je me gare sur le parking de l’office de tourisme de Névache, sans avoir encore choisi ma rando du jour. J’hésite à prendre mes raquettes à nouveau… Constatant que la pluie fait un peu fondre la neige et me rappelant ne pas en avoir eu besoin la veille, je décide que je n’en ai pas besoin. Première erreur…
Je prends au hasard un chemin qui longe la rivière de la Clarée, en remontant la vallée. À la sortie du village, première vision… “hallucinante” : il pleut et devant une maison, se tiennent deux hommes dont l’un, une sorte de chalumeau / lance-flammes à la main, brûle une carcasse de cochon accrochée au godet d’un mini tracto-pelle…
Je continue mon chemin dans la forêt, jusqu’à un panneau indiquant le lac Cristol. Je ne le connais pas, le nom me semble prometteur et il n’est pas très loin en plus ! Seconde erreur…
Je commence à monter sur le flanc de la vallée. La neige reste tassée et il y a même les traces de quelqu’un passé avant moi avec son chien, que je suis pour m’orienter. La pente est un peu raide, je commence doucement à cracher mes poumons mais la forêt est magnifique et me protège de la pluie qui semble se calmer.
Il y a de plus en plus de neige, mais je fais confiance aux traces devant moi. Je jette un œil à Google Maps et il semblerait que j’en sois à un peu plus de la moitié du chemin. Mais je grimpe de plus en plus et, comme un imbécile, je ne pense pas au fait que forcément, il va y avoir encore plus de neige là-haut. D’ailleurs, mon randonneur fantôme a rebroussé chemin…
Tant pis, je continue, Google Maps m’indique que j’en suis au 3/4, à peu près… J’ai de la neige jusqu’aux genoux et, bien sûr, je regrette les raquettes ! Je n’en peux plus, chaque pas est un calvaire. Je ne vois plus du tout le sentier, me fiant à peu près au relief pour m’orienter, parfois au GPS. Notamment pour passer sur le petit pont du ruisseau de Cristol, caché sous la neige. J’hésites plusieurs fois à revenir sur mes pas, n’avançant que de quelques mètres entre chaque pause. Mais maintenant que je suis arrivé là déjà, autant aller jusqu’au bout !
“Souffrance” récompensée
La nature est magnifique, sauvage. Le fait qu’il n’y ait aucune autre trace de pas renforce cette impression d’avancer dans un lieu que personne n’a vu encore. Il n’y a pas d’animaux, aucun bruit à part le son léger de la rivière, étouffée par la neige, et le vent. La pluie s’est transformée en flocons épars. C’est un moment puissant, autant du fait de l’effort physique auquel je ne suis pas habitué, que de l’atmosphère irréelle dans laquelle je me trouve.
Ce ne serait pas assez drôle si je ne subissais pas une nouvelle mésaventure en arrivant au lac. J’ai dévié un peu de ma route, ayant cette fois totalement perdu mon chemin dans la neige. Mais je sais où se trouve le lac, le devinant au loin. Je m’avance sur la petite plaine qui y conduit lorsque je m’enfonce d’un coup jusqu’à la taille dans la neige. Un marais. Je sens mon pied sortir difficilement de la vase dans un “floc”. Heureusement, mes chaussures sont imperméables, mon pantalon un peu moins. Je tâtonne sur la suite du “chemin”, m’enfonçant encore une ou deux fois, et je rejoins enfin le bord du lac et un sol plus accessible.
Face à moi, le paysage est entièrement immaculé : les nuages sont bas et le soleil passant à travers les rend d’un blanc lumineux aveuglant. La neige et la glace recouvrent le lac et seuls les arbres se découpent dans l’oeilleton de mon appareil. C’est impressionnant, je suis totalement seul, me sentant comme privilégié. Je reste là à profiter du silence.
Et c’est presque à regret que je reviens sur mes pas, redescendant vers la voiture. Il est déjà quasi 17h. J’ai envie de terminer cette journée sur un coucher de soleil au col du Lautaret, sur la route, pour rentrer chez moi. Je ne sais pas si j’y serai à temps…
Je me dépêche de reprendre la route de Briançon, puis celle du col. Je vois le soleil se coucher de plus en plus. Je n’y serai pas… Décidément j’en bave ce weekend là ! Au loin je vois les montagnes s’enflammer, ça semble superbe là haut. Mais il me reste encore 15 min de route pour y arriver… Je vois les couleurs passer de l’orange/rose au violet/bleu. Le moment est passé lorsque j’arrive au col. Pourtant je ne regrette pas, la lumière bleue rend les montagnes impressionnantes. On dirait une sorte de crème glacée. Comme moi, des gens se sont arrêtés pour profiter du spectacle de cette lumière incroyable. Personne ne parle.
Au bout d’un moment, le soleil disparaît entièrement et laisse place à une nuit sans nuage. Je reprends la route, fatigué mais finalement heureux de mon weekend, qui m’en aura fait voir de belles… dans tous les sens du terme !