
C'est retouché, non ?
Je n’ai pas fait beaucoup d’expositions, mais à chaque fois, il y a quelqu’un pour poser la question. Et ce quelqu’un, c’est souvent un homme de plus de 50 ans, que l’on nommera ici Jean-Michel (toute ressemblance avec une personne réelle serait purement fortuite… ou pas).
Pour certaines personnes, une photo qui sort de l’appareil est forcément le reflet exact de la réalité. Pourtant, il n’en est rien. Un appareil photo, aussi perfectionné soit-il, est loin d’égaler nos yeux (surtout ceux de Jean-Michel, qui commence à tendre un peu trop son bras pour lire ses SMS). Alors oui, on retouche. Parfois pour retrouver l’émotion qu’on a ressentie sur place, parfois pour équilibrer une image qui manque un peu de caractère. Ce n’est pas tricher, c’est traduire.

Entre réalité et interprétation
J’ai toujours cherché à rester fidèle à un paysage « brut » – sans présence humaine. C’est parfois un défi. Merci les touristes, qui ont le chic pour s’agglutiner pile là où il ne faut pas (moi ? Non, je ne suis pas un touriste, voyons !). Heureusement, la technologie évolue : avec les nouveaux outils boostés à l’intelligence artificielle, on peut aujourd’hui supprimer en quelques clics un grillage disgracieux, un panneau moche, ou une famille entière en short fluo venue poser pile au centre du cadre.
Et l’IA dans tout ça ?
Ces derniers temps, avec l’explosion des images générées par l’intelligence artificielle, c’est assez ironique de se voir encore questionné sur la retouche d’une photo. Il y a quelques jours, j’ai vu passer une photo d’un cheval soi-disant sculpté en pain, à taille réelle. La plupart des gens étaient fascinés sans même se demander si c’était vrai… alors que c’était clairement une image générée par IA. Personne ne se pose la question pour ce genre d’absurdité, mais dès qu’on poste une photo de paysage un peu trop “parfaite”, on nous demande si c’est retouché. Alors oui, c’est bien de remettre en question ce qu’on voit, mais un peu de cohérence ne ferait pas de mal !

Alors oui, c’est retouché (et alors ?)
Maintenant, j’assume totalement. Oui, mes photos sont retouchées. Oui, elles sont ajustées pour correspondre à ce que j’ai ressenti en les prenant. Et si cela doit me coûter la vente d’un tirage à 50 balles à Jean-Michel… eh bien, tant pis !
Après tout, si on accepte que la peinture ne soit pas un copier-coller exact de la réalité, pourquoi en serait-il autrement pour la photo ?